Phénomène de mode, la presse s’est jetée sur le filon « les femmes et les jeux-vidéo », basant ses analyses sur des pourcentages la plupart représentatifs, malgré eux, d’un niveau de médiocrité assez alarmant. Problème, que les sites aient un contenu rédactionnel destiné aux femmes ou non, ils s’égalaient en machisme et/ou ignorance, faisant de la gente féminine une masse sans distinction aucune, rabaissée au rang de bétail. Ça semble d’ailleurs être le machisme qui était de mise, les photos illustrant ces articles étant issues de catalogues Corbis ou autres, dépeignant de jolies niaises avec des manettes reliées à rien du tout.
Les termes pour séparer les hommes ne sont jamais employés — par les médias — pour les femmes, pourquoi ? Pourtant ça ne manque pas, casual gamer, mid-core gamer, hardcore gamer, retro gamer, il y en a pour tous les goûts, mais lorsqu’il s’agit de décrire les femmes, on nous dit que le jeu-vidéo prend dorénavant une part conséquente de leur vie; merci pour ces informations hautement inutiles. L’idéal serait cependant de savoir quelle est la répartition, de même qu’arrêter d’utiliser un vocabulaire technique lorsque l’on s’adresse aux hommes et d’un vocabulaire profane lorsque la cible est féminine, et quand bien même les annotations existent, cultiver l’ignorance de celles (ou ceux, les hommes aussi lisent les articles destinés aux femmes) qui viennent de s’y mettre n’aide en rien, si ce n’est les exclure.
Il ne faut cependant pas se leurrer, l’acceptation et la reconnaissance des femmes dans la cours des gamers est un combat social qui sera aussi long que d’autres, même si tout va plus vite dans l’univers des jeux-vidéo. Et puis comment élever la femme à un rang égal alors que dans la vie de tous les jours elle reste reléguée au second plan afin de laisser une séparation, qui aussi infime soit-elle, est là pour rassurer le mâle et le conforter dans sa domination.
Pourtant le mâle a évolué dans sa relation avec la gente féminine, envers et contre tout. Le nerf du jeu-vidéo c’est d’offrir au joueur la possibilité d’incarner de multiples personnalités, et après de nombreuses années de suprématie d’icônes masculines, celui-ci a eu envie de pouvoir incarner une femme. Il n’a pas envie de s’essayer aux tampax, ne soyons pas ridicules, mais assumée ou non, l’homme cherche à révéler sa part de féminité dans une société où elle n’est pas admise (sujet discrètement abordé dans le Strange Days de Kathryn Bigelow). Il y aura fallu attendre l’arrivée des consoles de cinquième génération (Saturn, Playstation, N64) pour que le joueur puisse avoir le choix du genre qu’il pouvait incarner. Qui a pris Chris pour finir Resident Evil ? Pas grand monde.
Evidemment l’émergence de personnages féminins s’est aussi souvent fait au détriment de l’image du beau sexe. Tout le buzz autour de la saga Tomb Raider a été concentré sur la plastique de son héroïne. Finalement, car on le sait, le succès du jeu sur la longueur est à imputer à son gameplay, et non aux formes polygonales de Lara Croft. Qui est le macho, celui qui joue à un jeu avec une héroïne à la plastique parfaite, ou celui qui n’accepte pas qu’une femme forte puisse AUSSI être belle ?
L’adhérence des femmes au mouvement vidéoludique ne cesse également d’être attribué aux jeux qui sont de véritables hontes, mais pas forcément de façon incompréhensible. Tristement nous savons qu’une majorité de la population est contrôlée par la publicité, et donc très souvent par la médiocrité. Des hordes de jeux de piètre qualité sont vendus aux messieurs, mais aucun article ne dresse de constat déclarant « les hommes achètent des daubes ». En revanche lorsque l’équivalent est vendu aux femmes, à savoir des « jeux » leur apprenant à faire la cuisine ou à perdre du poids, la conclusion est que celles-ci en raffolent.
Au final les femmes restent persuadées que les hommes n’aiment que les jeux où il faut tuer son prochain ou marquer des buts, alors que ces derniers pensent que celles-ci aiment faire la cuisine, perpétuant des idées reçues et éduquant les deux genres d’une façon très rétrograde.
N’oublions pas non plus que cette population de femmes férues de ces jeux n’étaient à l’arrivée de la DS, plate-forme nomade et regorgeant de titres tous plus avilissants les uns que les autres, que des adolescentes, donc d’un point de vue commercial plus facilement malléables, à grands renforts de boitiers ultra mignons, arborant chiots ou poneys. Cette technique de vente n’est évidemment pas nouvelle, elle remonte aux prémices de la publicité et a été utilisée avec la plupart des produits de grande consommation (produits genrés rose/bleu, catalogues de jouets genrés filles/garçons…), mais elle continue à créer une séparation entre les deux genres, en plus d’éduquer d’une façon rappelant les vieux cartoons Disney des années 50.
Les femmes aiment tuer leur prochain et aiment le gore. Les femmes aiment chasser le dragon (littéralement hein, pas fumer des joints, enfin c’est un autre débat ça) et obtenir de nouveaux pouvoirs magiques. Le problème c’est que lorsqu’elles ont l’opportunité de le découvrir, c’est soit parce qu’elles ont eu la chance d’avoir des parents renseignés sur le sujet, soit parce qu’elles ont eu une attirance naturelle pour ces jeux, ou encore par moyens détournés, notamment en voyant quelqu’un y jouer.
Le seul produit à venir apporter un peu d’équilibre dans tout cela est le RPG façon Skyrim. Genres et races permettent des combinaisons infinies, octroyant à un homme la possibilité d’incarner une femme elfe ou à une femme d’incarner un orc. Cependant tout cela reste scripté, et c’est finalement dans le MMORPG que toutes les frontières finissent par voler en éclats. Un homme peut incarner une femme dominant des femmes qui incarnent des hommes, et inversement, l’anonymat permettant ce que la « réalité » ne permet pas. La société contemporaine n’ayant toujours pas réussi à rendre les genres égaux (binaires, non-binaires et transgenres), il semble que son évolution doive passer par le cyberespace. Qui a dit que les univers numériques étaient un mal ? Ne seraient-ils pas notre avenir, ou au moins, une partie ?
PS: comme toujours les articles sont ouverts aux commentaires pour modifications/précisions, donc n’hésitez pas à commenter 😉